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Grenouille rousse
Juillet 2019, Rouge Feigne
A.Passager

Du repos et des promesses

29 Novembre.

L’automne est définitivement là. Avec les premières gelées, les feuilles qui avaient progressivement jaunies sur les arbres tombent les unes après les autres. Bientôt cessera le vacarme de souffleuses de feuilles qui retentissent là où les humains peuvent s’offrir le luxe de brûler de l’essence pour tout et rien. L’automne prendra alors des allures d’hiver et les arbres sembleront s’être mis en sommeil pour quelques mois d’hibernation bien méritée. Chez les végétaux, c’est ce qu’on appelle la dormance. La croissance est bloquée en partie, l’arbre protège du froid ses organes les plus sensibles. A ce moment de l’année, tout semble prendre fin. La dominante verte, remplacée de manière éphémère par les ocres et les jaunes d’octobre, a presque disparu. Elle fait place à des nuances de gris, de brun. Le soleil tarde à se lever et se cache souvent derrière des couches de stratus, la nuit occupe la majeure partie de la journée. Les températures chutent, la grisaille et le gel, les impôts et la grippe, les grèves dans les transports, l’angine du petit dernier, le retour des fusils dans les campagnes… Les raisons de ne pas s’enthousiasmer pour cette saison sont nombreuses, peu discutables, souvent implacables.

Pourtant, cette période de l’année, si elle n’est pas la plus riche en découvertes et réjouissances, n’est pas forcément désagréable et peut révéler quelques belles surprises. Elle permet également de s’offrir une petite respiration avant le grand galop qui occupe le naturaliste des premières neiges à la fin de la période de reproduction de la majeure partie des espèces. Si le printemps c’est l’enthousiasme devant l’explosion des manifestations du vivant et une certaine exubérance, la fin de l’automne, c’est le calme avant la tempête, l’occasion rêvée de prendre son temps à l’intérieur, de lire les bouquins entreposés sur les étagères de la maison, s’arrêter regarder les passereaux à la mangeoire et préparer l’année à venir, les endroits à visiter prochainement, les courses en raquettes ou en ski de rando… C’est le moment de patienter, avant les premières neiges et le début d’une nouvelle saison à arpenter les montagnes.





Les feuilles sont tombées donc, libérant la place aux pièces foliaires de la saison prochaine. On dit des arbres à feuillage caduque qu’ils perdent leur feuille une partie de l’année, ce qui en un sens, n’est pas tout à fait vrai. En y regardant de plus près, on verra au bout des rameaux, des petites boules, parfois minuscules, une tête d’épingle, parfois grosses comme une bille. Là, bien à l’abri derrière des bourgeons coriaces et balsamiques ou dans des chatons compacts, protégés du froid, de l’humidité et des regards, les rameaux, les feuilles et les fleurs attendent le signal du départ pour s’élancer dans une course effrénée vers les photons, dans le vent ou à la séduction des insectes pollinisateurs. Un peu avant la fin de l’automne, l’arbre de l’année suivante est déjà présent, en germe. Le bourgeon est la chrysalide de l’arbre. Comme la chenille contient en elle le papillon à venir, le bourgeon et la graine contiennent les cellules prêtent à croitre et à s’épanouir pour constituer la base alimentaire dont l’ensemble du vivant va dépendre. C’est ainsi que la fin d’un cycle correspond au commencement du suivant. C’est ce que cette période a d’enthousiasmant: tout est déjà là, endormi. Ce qu’il faut, c’est un peu de temps, un soupçon de curiosité, une once d’imagination et de la patience. Tout est là donc. Il n'appartient qu'à nous de le voir apparaitre.







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