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Grenouille rousse
Juillet 2019, Rouge Feigne
A.Passager

Three little birds

Dernière mise à jour : 15 janv. 2022

Vendredi 31 décembre - Tourbière de Frasne (25)

C’est le matin sur la tourbière, il fait beau, presque chaud. Le soleil daigne enfin se montrer et la terre détrempée se réchauffe un peu. Hier, il a plu toute la journée. En fait, il a plu pendant presque une semaine… Ou tout du moins, c’est l’impression qu’il reste après un déluge.

C’est le cœur de l’hiver et le massif jurassien s’apprête à changer d’année dans une ambiance printanière. Loin, derrière le bruit des voitures qui passent en trombe sur la départementale, tout juste perceptible, une grive draine entonne une courte ritournelle. Juste se dégourdir la syrinx, trop tôt pour le temps des amours, les sérénades attendront. Pour la draine, encore quelques jours, quelques semaines… Il est vrai que son chant de merle triste résonne très tôt dans l’année.

Qu’elle est belle la tourbière ce matin, caressée par une vague de brume, traversée par les rayons de soleil. Les tapis de canules, de sphaignes, la neige et la glace. Surtout la glace. Partout la glace. Sur les épicéas et les pins exposés, elle fond. Redevenue liquide, elle s’écoule avant de geler de nouveau au contact des planches des passerelles. Cela a le mérite de pimenter le parcours des promeneurs qui prennent alors des allures de patineurs, plus ou moins agiles, grisés ou stressés, c’est selon…

En dehors du couvert forestier qui borde la zone, le parcours se fait sans encombre. Les enfants jouent, les grands assurent et contiennent. Le bruit de la route se laisse oublier au fur et à mesure que l’on s’en éloigne. D’autres visiteurs là-bas… L’endroit est très calme, presque silencieux. Et puis finalement, sans qu’on ne l’attende plus, de l’animation, enfin. Ça gazouille, ça pépie, ça zinzinule… Une troupe de mésanges déferle sur nous. Elles sont là, tout près. Elles ne se méfient pas. Combien sont-elles ? Une dizaine ? peut-être quinze... Elles vont et viennent dans les branches des boulots pubescents, vers les laiches et jusqu’aux cimes des pins à crochet. Les premières à se montrer parfaitement sont des mésanges huppées. Elles arpentent les branches basses et visitent les touffes d’herbes. Elles ne peuvent laisser indifférent avec leur chapeau pointu. La finesse de leur livrée, leur caractère vif et intrépide de mésange des sapins en font mes lutins favoris. Et si la mésange huppée se montre, c’est que sa compagne la mésange noire n’est pas loin… Là ! Sur la branche de l’épicéa, un peu plus haut, tout tout près ! Elle repart, passe au-dessus de nous sans nous regarder et se pose dans un boulot. Elle n’est vraiment pas farouche. A l’observer de si près, on comprend pourquoi Géroudet l’appelle la petite charbonnière. C’est vrai qu’elle lui ressemble. Sa tête surtout, mais elle est plus petite et se distingue de sa cousine à la large fenêtre blanche qu’elle a sur la nuque. La distinction ne s’arrête pas là. Elle a le poitrail crème de la mésange nonnette mais son dos et ses ailes gris-bleu n’appartiennent qu’à elle. Avec la huppée, elles sont les cousines des montagnes, accompagnées aujourd’hui de deux ou trois mésanges charbonnières. Celle-là, vous la connaissez surement. Dos vert olive, ailes bleues, tête noire, joues blanches, ventre jaune et cravate noire ! C’est la plus commune des mésanges de nos contrées. C’est aussi la plus grosse. Presque 22 grammes pour les plus gros spécimens, un mastodonte.





22 grammes…

Pour le record ! Les autres mésanges, c’est plutôt 8, 10… Éventuellement 11 grammes. Elles doivent manger un tiers de leur poids chaque jour pour survivre. Avec un pareil métabolisme, les mésanges ne peuvent pas rester très longtemps sans se nourrir. Elles prospectent sans discontinuer leur territoire à la recherche de quelques choses à se mettre dans le bec. L’hiver, lorsque la nourriture est rare, les conditions météos difficiles et le jour très court c’est une course contre la montre, une course pour survivre. Les conifères leurs offrent une ressource capitale. On pense que 80 % des mésanges charbonnières ne survivent pas à leur première année et que pour le reste, l’espérance de vie ne dépasse pas 3 ans.

C’est aussi ça le monde sauvage. Des oiseaux de 10 grammes se démenant tout l’hiver durant, confrontés à des semaines entières de pluie ou à des températures pouvant descendre jusqu’à -30°C. Mais elles survivent. Tant qu’elles trouveront à manger et des cavités pour s’abriter, ou dit autrement, tant que nous leur laisserons des haies, des vieux arbres, du lierre et des zones de quiétudes, elles animeront les forêts, les parcs, les jardins de leurs chants joyeux.


Nous restons là encore quelques minutes à les observer avant qu’elles ne repartent comme elles sont apparues. Elles disparaissent de notre perception. Hop, envolées ? Non ! Nous tendons l’oreille… On dirait bien qu’on les entend encore un peu. Écoutez bien, elles chantent !

"Rise up this mornin', Smiled with the risin' sun, Three little birds Pitch by my doorstep Singin' sweet songs Of melodies pure and true, Sayin', "This is my message to you-ou-ou:"

Singin': "Don't worry 'bout a thing, 'Cause every little thing gonna be all right."


Si c’est elles qui le disent !



Bibliographie :

Paul Géroudet, 2010. – Les passereaux d’Europe. Delachaux et Niestlé.

LPO Franche-Comté (collectif), 2018. – Les oiseaux de Franche-Comté. Répartitions, tendances et conservation. Biotope, Mèze.

Bob Marley and the Wailers, Three little birds sur l’album Exodus - Tuff Gong/Island

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